Au Freemusic Festival, on feel free !

Au Freemusic Festival, on feel free !

« Les associations du Feel Free Village ont été énormément sollicitées et ont réalisé jusqu’à 300 entretiens par jour. Cette fréquentation est la preuve que nos festivalier.e.s sont ravi.e.s de trouver ce genre d’espace ».

Raphaël Seine


Raphaël Seine est chargé de production au Freemusic Festival. Il coordonne également les actions RSO/RSE (Responsabilité Sociétale des Organisations/Entreprises) du festival. Rencontre.

Bonjour, pouvez-vous nous dire quelques mots sur vous et votre parcours ?

Je m’appelle Raphaël Seine, j’ai 41 ans et depuis 2018, je suis chargé de production pour la coopérative Belle Factory qui organise le Freemusic Festival, ainsi que d’autres festivals en Charente-Maritime. 

Avant de travailler dans le milieu des musiques actuelles et des festivals, j’ai travaillé pendant près de 15 ans pour l’association de lutte contre le VIH, les hépatites et les IST, Aides, sur des programmes de santé communautaire pour les publics vulnérables. C’est donc naturellement que j’ai mis à profit cette expérience sur les questions de prévention, de réduction des risques et de lutte contre les discriminations en prenant également en charge la coordination des actions RSO/RSE (Responsabilité Sociétale des Organisations/Entreprises) du festival. C’est dans ce cadre-là que j’organise le village associatif.

Depuis combien de temps le Freemusic Festival existe-t-il et comment fonctionne-t-il ?

Le Freemusic Festival vient de fêter ses 20 ans. Il a démarré par un tout petit événement créé par des jeunes et des musiciens de la ville de Montendre. Il a grandi progressivement pour devenir un festival qui accueille 18 000 personnes par jour sur 3 soirs.

Le Freemusic Festival a une programmation très éclectique autour du rap, de l’électro, du rock, de la chanson et du reggae et a vu passer de nombreuses têtes d’affiche. La grande identité du festival est le lieu et l’expérience qu’il propose, puisqu’il se déroule dans une pinède autour d’un lac.

Au-delà d’assister à des concerts, nos festivalier.e.s vivent ainsi 3 jours hors du monde, grâce à des animations et des jeux organisés toute la journée, un camping ombragé hyper accueillant et une plage. Tout un travail est fait pour que nos festivalier.e.s vivent une expérience proche de celle d’un Summer Camp.

Une équipe d’une dizaine de personnes salariées travaille à l’année sur ce festival, ainsi que sur le Festival Stereoparc à Rochefort et le Festival Cognac Blues Passions à Cognac. Une équipe d’intermittents travaille également avec nous sur le festival, ainsi que de nombreux bénévoles. L’ADN du festival est d’être le projet d’une communauté, celle des habitants de Montendre et des alentours. Certains, parmi nos 400 bénévoles, sont à nos côtés depuis la naissance du festival et ont accompagné sa croissance.

Vous nous avez parlé d’un village associatif sur le festival, de quoi s’agit-il ?

Il y avait déjà des actions de promotion de la santé, de l’éco-responsabilité, de la sécurité routière et de la réduction des risques alcool et drogues, mais en 2018, l’idée est venue de mettre en place une expérience supplémentaire sur le festival en créant un véritable village avec un nom et une identité visuelle : le Feel Free Village.

C’est un espace de détente, de réflexion et de libération de la parole où l’on peut se poser et échanger avec une douzaine d’associations. C’est également un espace de bien-être avec des massages et un salon de thé et un espace de conférences.

Lors de la dernière édition en 2019, vous avez mis en place des actions pour lutter contre les violences à caractère sexuel, sexiste, raciste et homophobe. Pouvez-vous nous donner quelques exemples des actions organisées ?

Avec la gendarmerie et les agents de sécurité présents sur le festival, nous n’avons jamais eu à déplorer de cas graves d’agressions sexuelles, mais nous avons conscience que, comme dans tous les secteurs de la société, ces violences existent et nous voulions prendre ces sujets à bras le corps.

Le mouvement de libération de la parole nous a naturellement amenés à inviter plusieurs associations qui n’étaient jamais venues sur notre festival : Adheos, le Centre LGBT de Charente-Maritime, qui lutte contre les discriminations LGBT-phobes et sensibilise à la santé sexuelle LGBT, et le Planning Familial 33 pour parler de santé sexuelle, de contraception et de tous les combats historiques du Planning Familial.

Avec le Planning Familial 33, nous avons eu toute une réflexion autour de la création d’une Safe Zone (zone sans « relous ») et de la représentation liée aux comportements sexistes et à la drague.

Notre public a en moyenne 24 ans et l’idée de ces actions était de prendre notre responsabilité en tant que lieu de rassemblement et de mixité.

Pour nous, il est indispensable qu’un festival fasse la promotion du vivre ensemble et de la cohésion sociale et lutte contre toutes les formes de discriminations.
Venir à un festival est un moment fort dans une vie, un moment marquant dans l’année où l’on ne se comporte pas comme d’habitude, où l’on est peut-être plus ouvert aux autres et à la découverte, où l’on est dans un état d’esprit qui sort du quotidien. Accompagner ce moment par la présence d’associations, de messages sur une lutte qui nous importe nous semblait primordial. Au-delà de proposer des concerts et de l’amusement, cela nous semble faire partie de notre mission.

Comment la présence de ces associations a été accueillie par votre public ? Vous avez senti une réelle demande d’informations et de dialogue ?

Les associations du Feel Free Village ont été énormément sollicitées et ont réalisé jusqu’à 300 entretiens par jour. Cette fréquentation est la preuve que nos festivalier.e.s sont ravi.e.s de trouver ce genre d’espace.

Les réactions de sexisme ou d’homophobie ordinaire de certains nous ont prouvé qu’il y avait encore du boulot à faire, mais ont encore plus motivé les associations à revenir pour les prochaines éditions.

Que pensez-vous de la campagne Ici C’est cool ?

Je suis très fan des visuels et des messages de cette campagne. Nous sommes d’ailleurs devenus partenaires de la campagne en janvier 2021. C’est important d’avoir un espace de parole et un espace safe, mais le travail de communication est tout aussi important. Cela permet de démultiplier la visibilité de ces sujets en affichant nos valeurs. Cette campagne est la preuve qu’il s’agit d’un mouvement massif auxquels de nombreux festivals majeurs adhèrent.

Avez-vous suivi une formation Ici C’est Cool ?

Nous avons une formation prévue en septembre 2021 avec le Planning Familial 33, notre partenaire historique et local, qui en a d’ailleurs animé une pour Ici C’est Cool.

Nous avons tous des notions et conscience que le sujet est important, mais cela va être une grande étape pour nous qui va nous permettre d’entrer plus dans la technique et la théorie et d’avoir un réel état des lieux pour partir d’un constat partagé.
Une vingtaine de personnes va y assister : des personnes en charge de la régie camping, des entrées, de l’accueil, de la sécurité et de la communication. L’objectif est que tout le monde ait conscience des enjeux, sache réagir et accueillir la parole et insuffle cet état d’esprit dans ses équipes.

Quel est votre sentiment sur l’évolution de la prise en compte des violences sexistes et sexuelles sur votre festival ?

Il y a une vraie volonté politique de la Direction de mettre en place de plus en plus d’actions avec les moyens associés. J’espère vraiment que pour toutes les personnes qui se sentent victimes, ces actions concrètes, en ouvrant la parole, leur permettront de se sentir plus en sécurité en festival.

Nous aimerions vraiment que les festivals et le milieu festif soient des lieux où l’on apprend différemment les relations hommes-femmes et les relations de séduction, où l’on peut aborder la notion du consentement afin que tout le monde passe le meilleur moment possible !

Propos recueillis par Fabienne Jacobson